Christophe Hohler et Raymond Waydelich
« À l'avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale », prédit en 1968 l'artiste américain Andy Warhol, figure de proue du pop art. Cinq ans plus tard, Raymond E. Waydelich découvre le journal intime de Lydia Jacob, une couturière décédée depuis longtemps dont le rêve était d’être une grande créatrice de mode. À partir de ce moment, il signe ses œuvres de leurs deux noms. Lydia Jacob, inconnue de son vivant, connaît ainsi à titre posthume la célébrité, et va même jusqu’à représenter la France à la Biennale de Venise en 1978 avec son alter ego Waydelich.
Christoph Hohler fait lui aussi sortir ses personnages de l'anonymat. Il montre des instantanés de personnes qu'il photographie en direct ou sur l'écran de la télévision, et qui ne prennent de l'importance que dans ses tableaux. Ces personnages développent une dynamique propre ; sortis de leur contexte d'origine, ils racontent une nouvelle histoire.
L'exposition à la Fondation Fernet-Branca présente non seulement les grands tableaux de Christophe Hohler représentant des hommes, sa marque de fabrique depuis des décennies, mais aussi une facette moins connue de l'artiste : ses peintures de fleurs et d'arbres, une réminiscence de son enfance dans le Sundgau alsacien. D'autres univers thématiques sont les bateaux/la pêche et la musique, qui ont également inspiré Raymond E. Waydelich. Le premier univers est illustré par des peintures à l'acrylique, à l’huile et aux pigments ainsi que par des sculptures en fonte et en terre cuite de Hohler, et par des œuvres mixtes de Waydelich. La musique joue depuis toujours un rôle important dans la vie de Christophe Hohler ; enfant, il jouait du piano et de l'orgue. Pendant les performances, il peint des empreintes de cordes de piano sur un piano à queue sans couvercle ou improvise sur de la musique classique. Raymond E. Waydelich, quant à lui, est fasciné depuis le début par l'invention du disque et le développement du support audio.
La Fondation Fernet-Branca expose de nombreuses œuvres de jeunesse de Raymond E. Waydelich, dont plus de trente boîtes reliquaires racontant la vie de Lydia Jacob et de sa parenté imaginaire. Ses travaux sur « L'archéologie du futur » ainsi que le traitement artistique de voyages à Antibes, en Crète, au Canada ou en Namibie (céramiques, dessins, gravures, aquagravures) témoignent de la diversité de l'artiste mixte strasbourgeois. Au début des années 2000, Waydelich se lance dans des reproductions d'anciens maîtres, créant ainsi ce qu'il appelle ses « Peintures mémoires ». À Saint-Louis sont notamment exposées deux variations de « L'Angelus » de Jean-François Millet, tableau modernisé par Waydelich avec des oiseaux, un avion, une moto et des choux. Elles répondent à un triptyque consacré en 2024 par Christophe Hohler au même sujet des cloches de l’Angélus. Comme chez Millet en 1859, un couple d'inconnus, marqué par la pénibilité des travaux des champs, sort ici de l'anonymat pour accéder à la célébrité.
L'exposition à la Fondation Fernet-Branca est un match à domicile pour l’artiste. Son atelier, situé dans l'ancienne synagogue d'Hagenthal-le-Bas, n'est situé qu'à quelques kilomètres. C'est là qu'il réalise ses grandes peintures sur toile à l'acrylique, à l'huile et aux pigments, mais aussi des dessins (fusain, aquarelle, encre de Chine), des gravures et des zincographies ainsi que des sculptures en terre cuite filigrane. Le motif est principalement l'homme, seul, par groupe de deux, de trois ou plus encore. Il est frappant de constater que les vêtements de ses personnages ne permettent pas de les rattacher à une époque, et que les arrière-plans et les paysages n’indiquent pas non plus où ils se trouvent. L'observateur ne sait ni d'où ils viennent ni où ils vont. Réduits à des postures, des mouvements, des gestes et des regards... à être, pas à avoir. Si une confrontation a lieu malgré tout, c'est à la nature brute sous la forme d'un paysage aride ou d'une mer noire et bleue. Le spectateur trouve le calme dans les images de forêt désertes et reconnaît l'élan et la joie de vivre dans ces œuvres créées en musique. Aussi sombre que puisse paraître son œuvre par moments, Christophe Hohler célèbre l'existence et invite à une réflexion intime sur la condition humaine.
25/04/1961 : Naissance à Bâle/CH. Enfance à Neuwiller/F, double-nationalité française et suisse.
1977-1981 : Formation en imprimerie offset. Cours à l'école professionnelle d’arts graphiques de Bâle/CH.
1983-1988 : Études à l'École des Arts Décoratifs, Strasbourg/F.
Depuis 1997 Expositions en Suisse, en France, en Allemagne, en Norvège, au Danemark, au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique, au Canada et aux États-Unis.
Depuis 2004 Atelier dans l'ancienne synagogue d'Hagenthal-le-Bas/F.
Depuis 2012 Performances alliant peinture et musique
La propriété de Hindisheim avec la maison à colombages, la chapelle et l’atelier est pendant des décennies le centre créatif de Raymond E. Waydelich. Il l’achète alors qu’il est déjà célèbre, après avoir présenté dans le pavillon français de la Biennale de Venise l'environnement « L’Homme de Frédehof », qui marque aussi l’inauguration de « L'archéologie du futur ». Pour sauver les objets du quotidien de l'oubli, il commence à les conserver dans des bunkers de béton situés dans des lieux publics. Waydelich se sert de la « Lydia Jacob Story » pour véhiculer avec une légèreté poétique des sujets pourtant graves et sérieux comme la destruction de l'environnement ou la menace qui pèse sur les peuples indigènes. Pour ce faire, il choisit des boîtes reliquaires, appelées « Mémorisations », qu'il équipe de manière apparemment ludique. Alsacien de cœur, il aime s'inspirer du monde, voyage sur des sites de fouilles et explore des cultures étrangères. Son imagination et sa créativité n'ont pas de limites. Lorsque Waydelich décède en août 2024, il laisse derrière lui, outre son art graphique bien connu, une grande œuvre mixte dont la Fondation Fernet-Branca présente les pièces maîtresses.
14/09/1938 : Naissance à Strasbourg-Neudorf/F.
1952-1953 : Formation de sculpteur sur bois dans l'atelier de son père.
1953-1957 : Études à l'École des Arts Décoratifs, Strasbourg/F.
1957-1959 : Études à l'École nationale supérieure des Arts Décoratifs, Paris/F.
1959-1962 : Photographe de l'armée en Algérie.
Depuis 1974 : Expositions en France, en Allemagne, en Suisse, en Suède, au Danemark, en Belgique, en Grèce, en Argentine, au Japon et aux États-Unis.
1978 : Représentant de la France à la Biennale de Venise/I.
Depuis 1978 : Œuvres dans des collections et dans des lieux publics.
Depuis 1984 : Installations et projets sur l'archéologie du futur, notamment dans le cadre de la documenta X 1997 à Cassel/D.
09/08/2024 Mort à Strasbourg/F
Entrée 8€ et visites guidées gratuites en présence de l'artiste : 06/04/25, 04/05/25, 19 et 22/06/25 lors de la semaine d'Art Basel, 20/07/25, 24/08/25 et 31/08/25. À 14h30 à chaque fois.